La triste histoire du 26 aout 1914 à Olizy

Récit de M. Anthony VAUDOIS, d’après le livre « La plainte des Martyrs » de LAbbé Lévêque, témoin,en 1920

Lecteur 1: L’Aube de la Guerre

La petite commune d’Olizy, paisible et pittoresque, se trouvait nichée au cœur de la campagne française. Ses habitants vaquaient à leurs occupations quotidiennes, éloignés des tumultes de la grande guerre qui faisait rage en Europe. Mais cette tranquillité allait être brutalement interrompue.

C’était en août 1914. Les rumeurs de conflit se propageaient à travers le pays, alimentant les inquiétudes de la population. Le 25 août, les nouvelles arrivèrent jusqu’à Olizy : les troupes allemandes approchaient, menaçant la frontière.

Dans ce climat d’urgence, le corps colonial reçut l’ordre de se positionner le long de la Chiers, prêt à affronter l’ennemi. La 3e division d’infanterie coloniale, composée de soldats français et africains, prit ses quartiers entre Malandry et Nepvant.

Le commandant de la division réalisa rapidement que la situation était défavorable. Les Allemands avaient traversé la rivière à la Ferté-sur-Chiers, mettant en péril la ligne de défense établie par les coloniaux. Dans un geste stratégique, il donna l’ordre de repli vers Martincourt, empruntant la trouée d’Heurtebise et le bois d’Olizy.

Deux compagnies du 2e régiment d’infanterie coloniale furent désignées pour couvrir la retraite de la division. Elles se postèrent en arrière-garde, déterminées à protéger la retraite de leurs camarades. Les soldats se dissimulèrent dans les buissons, les tranchées de fortune et les jardins, prêts à affronter l’envahisseur.

Pendant ce temps, une poignée d’habitants d’Olizy avait choisi de rester dans leurs maisons plutôt que de fuir avec la colonne des réfugiés. Ils se terrent chez eux, remplis d’appréhension et de peur face à l’invasion imminente. Les rumeurs de massacres de civils en Belgique les tourmentent, mais ils sont déterminés à résister, à défendre leur village.

Lecteur 2: Le Combat de l’Ombre

La nuit du 25 août s’écoula lentement, dans un silence oppressant. Le village d’Olizy semblait endormi, mais les coloniaux et les quelques habitants qui avaient choisi de rester étaient en état d’alerte, prêts à affronter l’ennemi.

Aux alentours de minuit, les premiers bruits de pas de chevaux résonnèrent dans les rues d’Olizy. Des éclaireurs allemands s’aventurèrent dans le village, frappant discrètement aux portes pour vérifier si des habitants se cachaient encore.

Les villageois, tremblants de peur, décidèrent de ne pas se manifester. Ils espéraient ainsi tromper les envahisseurs, les laissant croire qu’Olizy était désert.

L’un des éclaireurs allemands, ne trouvant aucune résistance, pénétra dans la maison du 1er adjoint, dont la porte était étonnamment ouverte. Le maire intérimaire, qui avait pris ses fonctions depuis la mobilisation générale, tenta de garder son calme, faisant face à l’occupant avec dignité.

Pendant ce temps, les coloniaux, dissimulés dans les recoins du village, observaient attentivement chaque mouvement des Allemands. Ils attendaient le moment propice pour lancer leur contre-attaque.

Vers trois heures du matin, une masse imposante de soldats allemands envahit le village, investissant chaque rue et chaque maison. Soudain, une décharge meurtrière jaillit de tous les côtés, provenant des positions cachées des coloniaux.

Les Allemands, pris au dépourvu, reculèrent temporairement, désorientés par cette attaque-surprise. Cependant, ils se regroupèrent rapidement et ripostèrent sporadiquement, cherchant à éliminer les soldats français qui se trouvaient dans chaque coin de rue.

Le village devint un champ de bataille, les rues se transformant en un terrain mortel où les deux camps luttaient avec acharnement. En moins d’une heure, les rues de Pâquis, les Aisances de Ronchelut et l’avenue du Pré Collin furent jonchées de cadavres allemands. Mais les forces françaises, en infériorité numérique, furent finalement submergées par les renforts ennemis.

Profitant de l’obscurité, les coloniaux se replièrent, abandonnant leurs blessés entre les mains de l’ennemi. Les combattants, blessés et agonisants, étaient laissés sans assistance, les Allemands refusant aux civils le droit de leur porter secours.

Lecteur 3: L’Horreur et la Résistance

Furieux de l’embuscade tendue par les coloniaux, les Allemands décidèrent de se venger sur la population d’Olizy. Ils justifièrent leurs exactions en prétendant que des civils avaient ouvert le feu sur eux, cherchant ainsi à dissimuler leur propre violence et brutalité.

Les soldats allemands, animés par une rage incontrôlable, pénétrèrent violemment dans les maisons du village. Ils pillèrent méthodiquement les biens des habitants, avant d’incendier les bâtiments. Les civils qui tentèrent de fuir furent froidement exécutés, leurs vies fauchées sans pitié.

Seuls quelques habitants, rusés et chanceux, parvinrent à se cacher et à échapper aux massacres. Ils restaient terrés dans des cachettes improvisées, priant pour que l’horreur prenne fin.

Pendant ce temps, les blessés coloniaux, remis entre les mains de l’ennemi, étaient abandonnés à leur sort. Les soldats français, souffrant dans leur chair, gémissaient de douleur, sans qu’aucun civil ne puisse leur offrir la moindre assistance ou réconfort.

La journée se transforma en un cauchemar sans fin pour les habitants d’Olizy. Les cris de terreur et de désespoir résonnaient dans les rues embrasées, tandis que les flammes dévoraient les maisons et les souvenirs de toute une vie.

Au crépuscule, les Allemands se retirèrent momentanément, laissant derrière eux un village dévasté. Olizy était méconnaissable, réduit à un amas de ruines fumantes. La paille, le fourrage, les meubles, le bétail, tout avait été détruit. Seules quelques maisons épargnées par le désastre témoignaient de la présence passée de la vie.

Le lendemain matin, alors que le soleil se levait sur les décombres, des coups de feu résonnèrent dans les rues dévastées. Des cartouches surchauffées abandonnées dans les maisons en étaient la cause probable. Les Allemands, feignant l’inquiétude et l’indignation, menacèrent d’achever la destruction du village et de fusiller les survivants.

La terreur continua de hanter les habitants d’Olizy. Chaque jour apportait son lot de souffrances et d’humiliations infligées par les envahisseurs. Mais malgré la peur et le désespoir, l’esprit de résistance animait toujours les cœurs meurtris de la population.

Ruines de l’école et de l’église après l’événement du

26 aout 1914

École avant sa destruction

L’église et une partie des écoles avant leurs destructions

L’église avant sa destruction

L’école et la mairie avant la destruction


Lecteur 4: La Marche de la Déportation

Au début du mois de septembre 1914, l’autorité allemande prit une décision brutale : l’évacuation forcée d’Olizy. Les habitants furent contraints de marcher entre deux rangées de baïonnettes, escortés par des soldats allemands, en direction des Ardennes.

Les femmes, les enfants et les personnes âgées marchaient tête baissée, épuisés et terrifiés, craignant une exécution ou une déportation imminente. Les larmes, les cris et les supplications emplissaient l’air, mais elles ne parvenaient pas à fléchir la décision des Allemands.

Arrivés au pont de La Ferté, les prisonniers furent alignés à deux pas d’une croix qui bordait la route. L’attente qui s’ensuivit parut interminable, remplie d’une angoisse palpable. Les survivants redoutaient l’inéluctable, leurs esprits hantés par les horreurs vécues.

Finalement, après trois quarts d’heure d’attente insoutenable, les captifs furent libérés. Les Allemands autorisèrent les habitants d’Olizy à retourner dans leur village dévasté. Les larmes de soulagement mêlées à la tristesse coulaient sur les visages fatigués, alors que chacun retrouvait les ruines de son foyer.

Lecteur 5: La Reconstruction et la Mémoire

Olizy, marqué par les exactions allemandes et la résistance des coloniaux, était plongé dans une lente période de reconstruction. Les survivants, meurtris mais déterminés, se mirent à l’œuvre pour ramener la vie dans leur village dévasté.

Les décombres fumants furent déblayés, les maisons partiellement détruites furent réparées autant que possible. Les habitants s’unirent, partageant leurs ressources et leurs compétences pour reconstruire leur communauté.

La solidarité et l’entraide devinrent les fondements de la nouvelle vie à Olizy. Les habitants se soutenaient mutuellement, partageant les maigres provisions et apportant un soutien moral à ceux qui avaient perdu leurs proches.

Au fil des années, le village se releva peu à peu de cette terrible épreuve. Les enfants grandirent, de nouvelles générations virent le jour. Les commerces rouvrirent, les champs furent cultivés à nouveau. Olizy retrouva une certaine prospérité, bien que les cicatrices de la guerre demeuraient visibles dans chaque rue et chaque regard.

Chaque année, les habitants se rassemblaient pour commémorer les événements tragiques du 26 août 1914. Une plaque est érigée en mémoire des civils fusillés, rappelant leur sacrifice et la résistance du village face à l’oppression.

Olizy est un symbole de résilience et de détermination. Son histoire est transmise de génération en génération, rappelant aux habitants la valeur de la paix et de la solidarité.

Aujourd’hui, le village paisible d’Olizy se dresse fièrement, ses rues paisibles témoignant des épreuves surmontées. Les cicatrices de la guerre sont toujours présentes, mais elles sont enveloppées d’un voile d’espoir et de reconstruction.

Les habitants connaissent les événements sombres qui ont marqué le passé de la commune, mais ils célèbrent aussi la résilience et la capacité des habitants de l’époque à se relever des cendres. Olizy est un symbole de courage et de force, une leçon vivante de l’importance de l’unité et de la persévérance face à l’adversité.

L’histoire d’Olizy restera à jamais gravée dans les mémoires, rappelant à tous la cruauté de la guerre mais aussi le pouvoir de la résistance humaine.

Lecteur 6: Hommages

À la mémoire des quinze âmes qui ont perdu la vie, victimes des exactions allemandes le 26 août 1914 à Olizy, nous rendons hommage à leur courage, à leur détermination et à leur sacrifice ultime. Leurs noms restent gravés dans les cœurs, rappelant l’horreur de cette journée sombre de l’histoire.

Victorine Bernard, 51 ans

Léon Bohan, 17 ans

Jean-Baptiste Chevalier, 66 ans

Jules Collignon, 54 ans

Émile Collinet, 20 ans

Honoré Collinet, 17 ans

Eugène Dussart, 20 ans

Jean Féry, 74 ans (voyant que sa maison était embrasée de toutes parts, voulut sortir par la porte du jardin ; il a été criblé de balles)

Georges François, 20 ans

Jean-Baptiste Lallemand, 57 ans

Désiré Lemoine, 69 ans

Isidore Lemoine, 55 ans

Jules Lemoine, 19 ans

Émile Pierre, 44 ans (tué d’un coup de baïonnette)

Augustin Pierre, 20 ans

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